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Coronavirus : conclusion du récit de trois techniciennes d'intervention en loisir au front

Par Sébastien Tremblay


Tout le monde a besoin de loisir, à tous les jours. Est-ce que la pandémie changera notre rapport au loisir ?

Les récits publiés sur ce même blogue, dans les jours précédents, ont stimulé plusieurs réflexions. Voici quelques mots, portant sur la vision de l’après-crise, de mes invitées Meriem Cherouati (CHSLD de LaSalle), Judith Bérard (Habitations Bordeleau) et Eliane Vaudry-Houle (Unité de psychiatrie de l’Hôpital Jean-Talon). J’en profite immédiatement pour les remercier de leur immense générosité dans le cadre de ce projet très important pour moi. Nous conclurons cette série de cinq articles avec quelques observations sur la place du loisir dans notre société.


« J’espère que les gens seront plus reconnaissants, plus conscients de la chance qu’ils ont qu’on organise des activités pour eux. Il y a beaucoup de travail pour rendre une activité le plus wow possible. » - Judith


Dans un contexte où la santé prime, mes invitées sentent parfois que le loisir n’est pas une priorité, que le loisir n’a pas toute la reconnaissance qu’il mériterait. Autant cela est compréhensible, autant cela a été une occasion pour Meriem de démontrer la valeur de ce qu’elle apporte : « J’ai reviré la médaille de bord et j’ai dit on a 11 personnes affectées, ok, mais qu’est-ce qu’on fait avec les 170 autres qui vont bien?» C’est ainsi qu’elle a convaincu sa gestionnaire de l’importance de continuer à organiser des activités pour les résidents qui n’ont pas la COVID-19 tout en respectant évidemment les consignes sanitaires.


Puisque nous serons manifestement encore longtemps à cohabiter avec le virus, avec des mesures de distanciation sociale, je me suis demandé comment mes invitées envisageaient l’après-crise.


Eliane répond ainsi : « J’imagine qu’on va pouvoir reprendre les activités graduellement. On va pouvoir faire des activités aux chambres, individuelles, ensuite en petit groupe. Puis éventuellement, pour une fête, probablement pas la St-Jean, mais plus tard dans l’année. Je pense que ça va prendre du temps avant de pouvoir organiser un événement de plus grande ampleur. »


Les techniciens d'intervention en loisir pourront probablement reprendre le même type d’activités qu’ils ont mis en place pendant la pandémie afin de repartir progressivement la machine. Mais c’est flou, bien sûr. Pour Judith, elle anticipe planifier d’une semaine à l’autre, car les choses pourront encore changer du jour au lendemain. Elle mentionne aussi qu’il faudra s’adapter aux besoins des gens; certains seront craintifs de participer à

des activités de groupe, alors que d’autres seront très motivés. Pour Meriem, le retour de certaines activités dépend beaucoup du retour du droit des visiteurs, étant donné que plusieurs animations nécessitent la présence de bénévoles qui viennent de l’extérieur du CHSLD. Meriem et Eliane anticipent aussi un changement plus grand parmi leurs usagers. Certains n’auront plus besoin de soins, certains seront décédés, alors elles devront nécessairement apprendre à connaître de nouvelles personnes afin d’ensuite proposer des activités davantage adaptées à la nouvelle réalité.


Un projet mijote dans la tête de Meriem, un projet qui pourrait faire du bien à beaucoup de familles, en plus de permettre à tout le monde dans le centre de commencer à faire leur deuil de cette horrible pandémie : « J’aimerais ça organiser une commémoration pour ceux qui sont décédés du coronavirus. Je ne sais pas si je peux m’arranger pour avoir des colombes et faire en sorte que les résidents et les employés sortent dehors pour célébrer ça… »


Tout le monde a besoin de loisir, à tous les jours. Est-ce que la pandémie changera notre rapport au loisir?


« J’ai l’impression que les gens vont plus apprécier le loisir après la crise, réfléchit Eliane. Même pour nous dans nos vies personnelles. Il n’y a plus de spectacles, plus de festivals, il n’y a plus rien… Il y a beaucoup de choses en ce moment en live sur Internet, c’est bien, mais je pense que ça ne remplacera jamais les vrais contacts humains. Un écran ne va jamais remplacer le fait de prendre une vraie personne dans nos bras. Imaginez quand ça va reprendre, on va vraiment l’apprécier. Ça va être la même chose pour les patients en santé mentale. Le loisir les aide à guérir et à aller mieux. Par exemple, une personne qui souffre de dépression et qui participe à du loisir a plus de chances de se rétablir rapidement que si elle reste dans sa chambre, couchée dans son lit toute la journée. » Judith : « Je ne sais pas si les gens réalisent l’impact des loisirs, mais je pense qu’on est tout aussi important. Y’en a qui sont là pour les soins physiques et médicaux, mais nous, ça se passe entre les deux yeux et entre les deux oreilles. On aide vraiment pour le moral des personnes. Plusieurs me disent merci d’être là et que c’est plaisant de parler avec quelqu’un, d’avoir un humain en face de soi, pas juste de la télé. »


Meriem est en accord avec ses deux comparses : « Le loisir a toujours été important. On ne voyait pas à quel point. Je pense que les gens autour de nous le remarque aussi. Je me le suis fait dire par une madame. J’avais été lui parler un tout petit moment et quand je lui ai dit “je m’excuse, je dois vraiment y aller”, elle m’a répondu que c’était juste de ça dont elle avait besoin. »


Parfois, parler, c’est tout ce dont ont besoin les gens. D’être là, avec notre écoute et notre sourire, c’est déjà beaucoup. Avoir de vraies discussions profondes et honnêtes, c’est parfois négligé, alors que c’est pourtant fondamental pour le bien-être de tout humain. Ce sont les souvenirs que nous nous créons avec les gens, bien plus que l’activité en tant que telle, qui sont importants. Si la crise du coronavirus peut nous avoir fait constater cela et peut nous avoir permis de reconsidérer notre ordre de priorités pour remettre l’humain de l’avant, nous aurons tous gagné comme individu et comme société. Le domaine du loisir en ressortira aussi grandi. C’est correct d’organiser des événements grandioses, mais parfois, c’est encore mieux de garder cela simple, authentique, rassembleur et humain.


S’il y a une leçon que je retiens de ces entretiens avec Meriem, Judith et Eliane, c’est bien celle-là.

  • Revenir aux sources.

  • Réaliser la vraie valeur des choses et des humains qui nous entourent.

  • Apprécier les petites choses et les petits moments du quotidien.

  • Vivre un moment et le partager en bonne compagnie.

  • Tout simplement.



Merci d’avoir suivi cette série d’articles et j’espère que cela vous a permis de mieux comprendre la réalité du terrain des techniciens en loisir qui sont au front en ce temps de crise sans précédent. Courage et amour !

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